La poésie à travers la musique
Vendredi 25 à 18 heures. Sala de Mapas de la EOI Salamanca.
LA RENCONTRE POÉSIE ET MUSIQUE
Les relations entre la musique et la poésie sont très anciennes et peuvent être décrites comme une progressive séparation : de l’Antiquité grecque et du Moyen Âge, où musique et poésie formaient une unité La littérature et la musique, longtemps unies dans la Grèce Antique sous une même expression artistique –la mousikè– se sont finalement séparées, en prenant chacune son propre chemin.
Le XIXe siècle est l’une des périodes privilégiées pour cette rencontre.
En effet, compositeurs et écrivains établissent des liens en vertu des certaines affinités esthétiques qui ont abouti dans la production des œuvres significatives, comme c'est le cas de Debussy, qui mit en musique des poèmes de Mallarmé et de Baudelaire.
MALLARMÉ (1842-1898).
Soupir. Mallarmé
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme soeur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton oeil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d'eau soupire vers l'Azur!
-- Vers l'azur attendri d'octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l'eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se trainer le soleil jaune d'un long rayon
JAQUES PRÉVERT (1900-1977)
JAQUES PRÉVERT. EMBRASSE-MOI
C’était dans un quartier de la ville lumière
Où il fait toujours noir où il n’y a jamais d’air
Et l’hiver comme l’été là c’est toujours l’hiver
Elle était dans l’escalier
Lui à côté d’elle elle à côté de lui
C’était la nuit
Ça sentait le souffre
Car on avait tué des punaises dans l’après-midi
Et elle lui disait
Ici il fait noir
Il n’y a pas d’air
L’hiver comme l’été c’est toujours l’hiver
Le soleil du bon dieu ne brill’ pas de notr’ côté
Il a bien trop à faire dans les riches quartiers
Serre-moi dans tes bras
Embrasse-moi
Embrasse-moi longtemps
Embrasse-moi
Plus tard il sera trop tard.
Les fleurs du mal. Baudelaire,
Illustration de Chagall pour Aragon.
Poème manuscrit d'Aragon
Il n'y a pas d'amour heureux. Aragon.
Tout au long du XXe s des grands chanteurs comme Georges Brassens ou Léo Ferré ont continué d' interpréter des poètes célèbres.
En 1965, Brassens chantait “Il n’y a pas d’amour heureux”, poème écrit par Aragon en 1947.
Il n'y a pas d'amour heureux. Louis Aragon.
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux
En 1870 Verlaine rencontre Arthur Rimbaud dont il tombe amoureux.
Mais leurs relations sont orageuses : en 1873 Verlaine blesse Rimbaud avec un révolver et est condamné à une peine de deux ans de prison. En 1896 quand il meurt à Paris d'une congestion pulmonaire ses poèmes commençaient à être reconnus.
Ô triste, triste était mon âme. Paul Verlaine
Léo Ferré , le célèbre compositeur et interprète français (1916-1993) sut aussi superbement bien mettre en musique la poésie des poètes maudits: Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apollinaire
Ô triste, triste était mon âme. Paul Verlaine
Ô triste, triste était mon âme
À cause, à cause d’une femme.
Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s’en soit allé,
Bien que mon cœur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme.
Je ne me suis pas consolé,
Bien que mon cœur s’en soit allé.
Et mon cœur, mon cœur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,
Est-il possible, — le fût-il, —
Ce fier exil, ce triste exil ?
Mon âme dit à mon cœur : Sais-je
Moi-même que nous veut ce piège
D’être présents bien qu’exilés,
Encore que loin en allés ?
LES CHANTEURS DU XXI e siècle continuent de rendre hommage aux poètes et écrivains français sous des rythmes et styles très variés.
CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867)
FEMMES DAMNÉES. BAUDELAIRE.
FEMMES DAMNÉES. BAUDELAIRE
Avons-nous donc commis une action étrange?
Explique si tu peux mon trouble et mon effroi
Je frissonne de peur quand tu me dis "Mon ange"
Et cependant je sens ma bouche aller vers toi
Ne me regarde pas ainsi, toi ma pensée!
Toi que j´aime à jamais, ma sœur d´élection
Quand même tu serais une embuche dressée
Et le commencement de ma perdition
Quand même tu serais une embuche dressée
Et le commencement de ma perdition
Qui donc devant l´amour ose parler d´enfer?
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier, dans sa stupidité,
S´éprenant d´un problème insoluble et stérile,
Aux choses de l´amour mêler l´honnêteté!
Celui qui veut unir dans un accord mystique
L´ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,
Ne chauffera jamais son corps paralytique
A ce rouge soleil que l´on nomme l´amour
On ne peut ici-bas contenter qu´un seul maître
Mais l´enfant épanchant son immense douleur
Cria soudain "Je sens s´élargir dans mon être
Un abîme géant, cet abîme est mon cœur"
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l´Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu´au sang
Que nos rideaux fermés nous séparent du monde
Et que la lassitude amène le repos
Je veux m´anéantir dans ta gorge profonde
Et trouver sur ton sein la fraicheur des tombeaux
Descendez, descendez, lamentables victimes
Descendez le chemin de l´enfer éternel
Plongez au plus profond du gouffre où tous les crimes
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel
Jamais un rayon frêle n´éclaira vos cavernes
Par les fentes des murs, des miasmes fiévreux
Filtrent en s´enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux
C´est votre destin, à vous désormais
De trier l´infini que vous portez en manteau
"Hippolyte, cher cœur, que dis tu de ces choses?
Comprends-tu maintenant qu´il ne faut pas offrir
L´holocauste sacré de tes premières roses
Aux souffles violents qui pourraient les flétrir?
Hippolyte, ô ma sœur! Tourne donc ton visage
Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié
Tourne vers moi tes yeux pleins d´azur et d´étoiles!
Pour un de ces regards charmants, baume divin
Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles
Et je t´endormirai dans un rêve sans fin"
GUILLAUME APOLLINAIRE (1880-1918)
Le Pont Mirabeau. Guillaume Apollinaire.
LE PONT MIRABEAU. GUILLAUME APOLLINNAIRE.
Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains, restons face à face
Tandis que sous le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
PAUL VERLAINE
Paul Verlaine. Il pleure dans mon coeur.
Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur ? Ô bruit doux de la pluie, Par terre et sur les toits! Pour un cœur qui s'ennuie, Ô le [chant]1 de la pluie ! Il pleure sans raison Dans [ce]2 cœur qui s'écœure. Quoi! nulle trahison ? ... [Ce]3 deuil est sans raison. C'est bien la pire peine, De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine!
PAUL ÉLUARD (1895-1952)
Paul Éluard. Je te l'ai dit pour tes nuages.
Je te l’ai dit pour l’arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l’œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l’ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
CAMUS (1913-1960)
ABD AL MALIK, artiste incontournable de la scène hip hop et rap actuelle, slame CAMUS dans son spectacle "L'Art et la Révolte",où il propose un voyage musical et poétique autour de "L'envers et l'endroit", œuvre de jeunesse de Camus.
INSPIRÉ DE L'Envers et l'Endroit de CAMUS.
La promesse de tous les lendemains qui chantent en chœur,
J'aimerais tant dire c'est bientôt fini à toi qui hurle à la lune ta souffrance,
La tendresse de tous ceux qui n'ont d'œil que celui du cœur.
Des gens qui perdent lentement leur avenir à force de se tuer au labeur,
Des gens qui payent comptant ce que d'autres ont commis comme erreur,
Des gens qui pleurent leurs rêves tués au grand jour, recroquevillés dans l'obscure du regret,
Des gens qui en ayant assez de mourir à petit feu en viennent à s'immoler.
Et ces : « Papier monsieur s'il vous plaît » incessants,
Et c'est l'irrespect de l'humanité des gens qui ne sont pas blancs,
Et c'est le regard qu'on ne porte même plus à notre semblable,
Et c'est la dignité même qui devient une valeur jetable.
J'aimerais ici entendre le souffle du soleil parler le langage de 'aube naissante,
La promesse de tous les lendemains qui chantent en chœur,
J'aimerais tant dire c'est bientôt fini à toi qui hurle à la lune ta souffrance,
La tendresse de tous ceux qui n'ont d'œil que celui du cœur.
Des gens qui sont considérés plus petits que d'autres,
Des gens qui finissent par se croire plus petits que d'autres,
Des gens que l'on a rendus invisible à force de dénigrer,
Des gens qui ont rendu leur âme même en vie à force d'être insulté.
Et ces gens qui meurent par temps de grand froid,
Et c'est l'indifférence qui fait mourir de ne plus croire,
Et ces gens qui vendent leur corps pour vivre,
Et c'est l'existence qu'ils nous vendent qui nous brise.
J'aimerais ici entendre le souffle du soleil parler le langage de l'aube naissante,
La promesse de tous les lendemains qui chantent en chœur,
J'aimerais tant dire c'est bientôt fini à toi qui hurles à la lune ta
souffrance,
La tendresse de tous ceux qui n'ont d'œil que celui du cœur.
Des gens qui perdent lentement leur avenir à force de se tuer au
labeur,
Des gens qui payent comptant ce que d'autres ont commis comme erreur,
Des gens qui pleurent leurs rêves tués au grand jour, recroquevillés dans l'obscure du regret,
Des gens qui ayant assez de mourir à petit feu en viennent à s'immoler.
Et ces : « Papier monsieur s'il vous plaît » incessants,
Et c'est l'irrespect de l'humanité des gens qui ne sont pas blancs,
Et c'est le regard qu'on ne porte même plus à notre semblable,
Et c'est la dignité même qui devient une valeur jetable.
J'aimerais ici entendre le souffle du soleil parler le langage de l'aube naissante,
La promesse de tous les lendemains qui chantent en chœur,
J'aimerais tant dire c'est bientôt fini à toi qui hurles à la lune ta souffrance,
La tendresse de tous ceux qui n'ont d'œil que celui du cœur.
J'aimerais ici entendre le souffle du soleil parler le langage de l'aube naissante, le langage de l'aube naissante...
Mais, mais avoir la conscience toujours au-dessus de l'appartenance.
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